Exposition — Eveline Boulva et Marie-France Brière
L’exposition Reliefs éphémères réunissant les œuvres d’Eveline Boulva et Marie-France Brière aura lieu du 3 mai au 24 juin 2025 sous le commissariat de Sylvie Parent.
Graphisme : Louise Paradis
Reliefs éphémères
Un texte de Sylvie Parent
Commisaire
Réunies pour l’exposition Reliefs éphémères, les œuvres d’Eveline Boulva et de Marie-France Brière évoquent les processus d’érosion qui altèrent les paysages de manière irréversible. La vulnérabilité des environnements naturels trouve un écho dans leurs propositions artistiques au moyen de traitements formels et matériels qui établissent des rapprochements avec la disparition des reliefs. Par différents procédés, ces œuvres dirigent notre attention vers les multiples temporalités qui façonnent les contours de nos milieux naturels.
Eveline Boulva propose plusieurs œuvres sur papier réalisées à partir d’images de littoraux affectés par l’érosion. Les zones côtières, telles que la mangrove représentée dans Le chenal du haut estran I, sont particulièrement sensibles aux effets des changements climatiques. À première vue, le paysage qu’on nous invite à regarder semble intact, mais une observation minutieuse permet de remarquer des absences et des discontinuités dans la conception du dessin. L’artiste crée ainsi une affinité entre les pertes matérielles dans l’œuvre et l’altération que subissent ces milieux. L’érosion du paysage est exprimée par une érosion de l’image.
Conçues spécifiquement pour l’exposition, les œuvres élaborées avec une peinture d’argile sur papier de riz soulignent la précarité des lieux représentés par l’emploi de supports et de matières fragiles. Ces peintures, intitulées L’avancée des écueils, perdent leur définition au fur et à mesure que l’argile sèche et s’effrite. Par une atteinte à l’intégrité de l’image, ces œuvres évolutives figurent la transformation du relief et s’engagent à en témoigner dans le temps.
Pour leur part, les sculptures en pierre de Marie-France Brière nous transportent immédiatement dans le domaine de la géologie et la profondeur temporelle qui y est associée. L’œuvre Rupture annonce le parti pris de l’artiste pour un matériau extrait de la montagne, un fragment qui porte les traces d’interventions visant à en réduire le volume et en remodeler la forme. Les processus soustractifs associés au travail de la pierre rejoignent ici l’idée de l’érosion. La sculpture rend compte des événements (délitement, morcellement, usure) qui l’ont vue se définir.
L’installation Grantham, élaborée en fonction du lieu de l’exposition, montre une longue sculpture de marbre qui traverse l’espace et se prolonge virtuellement dans le boisé extérieur que laissent voir les fenêtres de part et d’autre de l’axe central. Chaîne de montagnes, icebergs tabulaires, falaises, sommets enneigés, blocs issus de l’extraction, plusieurs références surgissent à l’esprit lorsqu’on appréhende cette œuvre. Elles ramènent à une longue histoire de formation des reliefs et de leur détérioration violente ou graduelle par les forces naturelles et les activités humaines. En suggérant une extension dans l’environnement extérieur immédiat, l’installation relie cette histoire à la nature qui nous entoure ici et maintenant.
L’érosion est un phénomène continu qui contribue à l’évolution des paysages. Cependant, à l’heure actuelle, les actions anthropiques sont responsables d’une dégradation accentuée et accélérée qui a comme résultat la destruction de nombreux écosystèmes. Dans ce contexte, les œuvres d’Eveline Boulva et de Marie-France Brière, animées par des temps composites qui convoquent l’origine et le destin de nos environnements, invitent à prendre conscience de nos reliefs éphémères.