Marie-Charlotte Lamy
Université de Lausanne (Suisse) Université de Montréal (Canada)


 

Des chefs-d’œuvre à quatre pattes : la ménagerie de l’Impératrice Joséphine au château de Malmaison (1799-1814)

 

Esthétiquement ennuyeuse pour l’historien de l’art, matériellement déroutante pour l’historien et scientifiquement dérisoire pour le biologiste, la ménagerie de Joséphine Bonaparte demeure inexplorée par la recherche. Seules quelques anecdotes sont rapportées au grand public, amusé de savoir qu’un orang-outan mangeait des navets à la table de l’Impératrice. Lorsque le couple Bonaparte acquit le château de Malmaison en 1799, Joséphine eut le désir d’y constituer un « jardin des délices ». Fleurs, oiseaux et animaux exotiques vinrent progressivement habiller le parc de l’Impératrice. Si quelques études ont été consacrées aux plantes et aux volatiles, rien n’existe sur l’enthousiasme de Joséphine à collectionner les mammifères. Evoluant dans les jardins impériaux, les bêtes détenues par cette dernière offrent pourtant bien des réflexions sur la volonté de l’homme à faire de la nature un chef-d’œuvre sur mesure. Il s’agira donc de questionner un espace dans lequel s’établirent une relation et une agentivité entre organismes humain et non-humain. Les animaux formaient un véritable cabinet de curiosités. Leur présence fit du jardin un lieu animé, vivant, mais surtout éphémère et changeant ; de nouveaux arrivants complétaient régulièrement la ménagerie sans pour autant y perdurer – peu d’entre eux s’y acclimatèrent. Tout en devenant un terrain de divertissement pour la société de cour, la ménagerie exposait en outre une véritable puissance d’appropriation culturelle française ; entre cadeaux diplomatiques et trophées rapportés des conquêtes napoléoniennes, les bêtes venues d’ailleurs constituaient une incontournable vitrine de l’Empire. Finalement, Joséphine entretenait d’étroites relations avec les professeurs et les expéditeurs du Muséum national d’histoire naturelle – institution crée en 1793 –, transformant la Malmaison en un laboratoire scientifique. À la croisée de l’histoire culturelle et de l’histoire naturelle, cette ménagerie témoigne ainsi de la création d’un imaginaire résultant d’une interaction et d’un (quasi) contrôle de l’autre.

 
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