Silvia Maria Sara Cammarata
Università Roma Tre (Italie)


 

Le bois partout. Lieux et oeuvres de Giuseppe Penone entre continuité et discontinuité

 

L’œuvre de Giuseppe Penone (Garessio, CN, 1947) est intrinsèquement liée aux lieux où l’artiste est né et a grandi. On peut repérer trois moments dans son parcours artistique qui renvoient à différentes phases d’évolution dans la relation entre ses œuvres et les lieux pour lesquels elles ont été conçues. Entre la fin des années soixante et le début des soixante-dix - la période qu’on associe normalement à l’Arte Povera - dans les bois des Alpes Maritimes, Penone réalisa ses œuvres en les concevant comme inséparables du contexte naturel ; elles ne pouvaient donc pas être déplacées sans perdre leur sens ou le voir déformé, si bien que les galeries exposaient des photographies plutôt que les œuvres elles-mêmes. Parmi les œuvres de cette période, la plus célèbre est peut-être Continuerà a crescere tranne che in quel punto (continuera à croître sauf dans ce coin) : il s’agit d’un moule en acier de la main de l’artiste greffé sur le tronc d’un arbre de ces mêmes bois. En 1985, Penone coupa l’arbre de Continuerà a crescere en brisant son lien avec l’environnement de la forêt et en le transformant en une « œuvre pour musées » qui fut acquise par la Galerie d’Art Moderne de la Ville de Turin. C’est un nœud qui n’a jamais été complètement dénoué et pourtant l’artiste ne cessera pas de concevoir ses œuvres en symbiose avec la nature. Plus récemment, le jardin à l’italienne ou à la française, notamment du XVIIIe siècle, a pris la place de la nature sauvage et spontanée des bois dans l’œuvre de Penone. C’est ce qui est arrivé, par exemple, avec la création du Giardino delle sculture fluide (jardin des sculptures fluides) en 2003-2007 : il s’agit d’une installation permanente dans les jardins historiques de la Venaria Reale, non loin de Turin, qui comprend 14 œuvres décrivant les motifs stylistiques et thématiques chers à l’artiste et s’intégrant à l’environnement historique. Cet ensemble constitue pratiquement une synthèse des deux phases précédentes dont il reconduit les questions. Bien qu’il ne s’intègre pas dans le courant du Land art, il entretient, comme ses nombreux écrits le montrent, une relation intime et réflexive avec les lieux où il travaille.

 
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